Portrait – La peinture libre de Mohammed Ajrodi

Stanois d’adoption, Mohammed Ajrodi consacre son temps libre à l’art depuis ses plus jeunes années.

Reflets de ses pensées et de l’actualité, l’artiste expose ses toiles, au Studio théâtre, jusqu’à la fin du mois.

© Dragan Lekic

Habituellement, c’est son salon qui fait office de salle d’exposition. Exceptionnellement pendant le mois d’octobre, Mohammed Ajrodi a déplacé ses toiles au Studio théâtre de Stains pour les exposer au public. « J’essaye de transmettre à travers la matière », explique l’artiste du Moulin-Neuf.

Peintures figuratives représentant des lunes, la terre qui nous quitte, ou encore des masques de théâtre. Les tableaux aux sujets variés ponctuent les murs du STS jusqu’au 31 octobre. « À chaque tableau que je fais, je rédige un texte pour l’accompagner en prose ou en vers », ajoute le peintre. Avant de s’exposer à Stains, il avait déjà partagé ses toiles à Saint-Denis.

Originaire de Berkane au Maroc, ce graphiste de profession est tombé dans le dessin quand il était tout petit. « Ma mère était couturière et faisait des croquis et dessins pour les robes avant de les broder. Ça m’a attiré et je l’aidais pour dessiner », se souvient-il. « Comme ça me plaisait, je commençais à dessiner dans la marge de mes cahiers à l’école. Mon maître m’a tapé quand il a vu ça. » Pas de quoi décourager cet autodidacte, qui rejoint ensuite un club de dessin, où il apprend les bases, en plus des scouts, où il dessine également.

« L’ART GUÉRIT L’ÂME »

Artiste touche à tout, il rejoint aussi un groupe de théâtre. « Le théâtre c’est un art global qui me plaisait beaucoup », complète-t-il. Il se souvient avec joie de cette période d’effervescence et de création. « Pendant la période postindépendance, il y avait une vraie vitalité. On était dans le Maroc périphérique avec peu d’offres de culture, mais on faisait avec les moyens du bord. On organisait des semaines culturelles de la jeunesse. »

C’est à cette occasion qu’il expose ses premiers dessins avant de rejoindre la Belgique pour des études de droit. « À Bruxelles, j’ai vraiment découvert la peinture. J’ai visité des musées, des galeries, l’Académie des Beaux-Arts. » Le jeune homme ne parvient pas à intégrer l’académie, pour un problème de diplôme, mais se lance dans la peinture sur son temps libre. Formé au graphisme, il repart exercer au Maroc où il rencontre sa femme, avant de revenir en France en 2003. Pendant tout ce temps, Mohammed ne lâche pas ses pinceaux.

« L’art, c’est aussi un anti-stress, l’art guérit l’âme », estime-t-il. Comme en peignant ce grand tableau aux teintes vertes et aux formes géométriques, qui évolue au fil des années. Entre le travail et les tâches du quotidien, le quinquagénaire parvient toujours à trouver des instants pour prendre les pinceaux. « Il peint souvent quand je ne suis pas à la maison avec nos enfants », sourit sa femme, Hind. « Un soir, je l’ai vu partir quelques heures dans la chambre, je pensais qu’il dormait. Et quand je suis arrivé, il venait de peindre un tableau! »

Son inspiration, Mohammed la trouve dans l’actualité et les livres qu’il lit. « Je peins à partir d’événements qui se passent dans notre quotidien. On reste parfois sans réponse et l’art est un moyen de s’exprimer. Dans un monde souvent divisé, les arts nous rappellent notre humanité commune. Ils nous permettent de ressentir, d’apprendre et de réfléchir ensemble, et à travers ce processus, ils contribuent à tisser des liens entre nous, peu importe nos diversités. » Pas question pour l’instant pour lui de se cantonner à un type de sujet ou à un style. « Je cherche encore mon style. Mais je ne veux pas non plus me restreindre. Je fais des
tableaux figuratifs, d’autres non. »

S’il pratique son art principalement chez lui, Mohammed n’hésite pas à sortir pour partager sa pratique. Il a ainsi animé un atelier pour les femmes de l’association Chez Ailes, cette année. Il échange aussi avec des écrivains. Certaines de ses toiles ornent la couverture de plusieurs livres. « C’est une fierté. Et c’est important d’avoir cet échange entre les arts. »

• JB

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