Portrait – Lucien Brochant, toujours tambour battant !

21 octobre 2025

Fondateur et président de la toute jeune association Kounta-Ka, ce fringant sexagénaire défend le patrimoine culturel de la Guadeloupe, son île, en chantant le gwoka, un genre musical né lors de la période de l’esclavage.

Depuis qu’il a créé « Kounta-Ka » en 2024, Lucien Brochant mène une vie tambour battant, mais c’était le but de la manoeuvre puisque son association du même nom défend le « gwoka », un genre musical très fortement implanté en Guadeloupe et principalement joué avec des tambours appelés « ka ».

« En créant Kounta-Ka, j’avais l’envie de participer à perpétuer les traditions de mon île, la Guadeloupe, ici en métropole. Lorsqu’on participe à Stains ou ailleurs à des événements comme le Forum des associations, la Saint-Fiacre, ou alors en animant des rencontres sportives, on fait vivre une activité qui raconte un peu de notre culture », raconte le sexagénaire natif de Goyave, une commune portuaire de Guadeloupe située à l’est de la Basse-Terre.

Un havre que Lucien Brochant a quitté au début des années 2000 pour enchaîner différents emplois dans la restauration en région parisienne avant d’intégrer les effectifs de l’agglomération Plaine Commune où il est aujourd’hui cantonnier en charge du secteur Garibaldi à Saint-Ouen. « Un emploi qui me fait, en quelque sorte, renouer avec mon premier métier puisque j’ai beaucoup travaillé dans le secteur du jardinage aux Antilles », rembobine-t-il.

LE TAMBOUR, TRAIT D’UNION DES ESCLAVES

Néanmoins, ce que ce Stanois d’adoption préfère cultiver, ce sont d’abord toutes les traditions liées au gwoka, un art musical né durant la période de l’esclavage aux Antilles et qui tire ses origines du côté de la musique africaine jouée par les esclaves des anciennes plantations des Caraïbes. D’ailleurs l’étymologie du mot Gwoka viendrait de la déformation créole -gwo ka- de gros-quart, la contenance des tonneaux à partir desquels les esclaves confectionnaient leurs instruments.

Une histoire à laquelle rend d’ailleurs hommage le nom de l’association Kounta-Ka, clin d’oeil au personnage romanesque de Kunta Kinte, héros du roman Racines publié aux États-Unis en 1976 et qui retrace l’histoire d’un esclave capturé en 1767 en Afrique, puis transféré de force dans une plantation de l’État de Virginie aux États-Unis. « Kounta-Ka, c’est aussi une manière d’affirmer que nous sommes les guerriers du tambour et surtout de rappeler la mémoire de l’esclavage, explique le néo-président. Pour les esclaves, le tambour servait d’abord de moyen de communication, alors qu’aujourd’hui il est là pour nous relier, nous rassembler en accompagnant nos fêtes, nos anniversaires.

Mais aussi des rassemblements populaires et joyeux. » Sans oublier les grands rendez-vous familiaux puisqu’une large partie de l’association est composée par les frères et soeurs de Lucien Brochant. «Ma soeur Jeanine est trésorière, Myriam est secrétaire de l’association, mon autre soeur Lydia joue du chacha, une sorte de maracas, énumère-t-il. Enfin, il y a Chimène qui est danseuse et deux de mes frères -Willy et Olivier- jouent aussi du tambour » au sein d’une formation forte d’une quinzaine de musiciens où Lucien donne, lui, de la voix.

UNE TRADITION FAMILIALE

Une passion familiale pour le gwoka qui prend également et naturellement sa source en Guadeloupe, toujours du côté de Goyave : « Chez les Brochant, raconte encore Lucien, la musique est une vraie tradition : mon grand-père jouait et mon père était une sorte de musicien de rue. Il avait un don naturel et même s’il n’a pas eu l’occasion d’en faire une carrière professionnelle, il a transmis cette amour de la musique et du chant à une grande partie de notre famille. »

Laquelle se prépare déjà, toujours via l’association Kounta-Ka, à célébrer le plus grand des rendez-vous familiaux -Noël- à travers une série de concerts intitulés « Chanté Nwel » programmés à Stains en décembre en partenariat avec l’association Action créole ou encore au sein des Jardins familiaux. Ce qui mérite bien un roulement de tambour pour conclure….

• FRED LAURENT