Portrait – Philippe Destors, nature forte

Exposé jusqu’en septembre à la galerie Tâches d’Art dans le Centre-ville, Philippe Destors, un artiste-autodidacte local, est l’une des têtes d’affiche de l’exposition collective Trait d’Union. Un moment de partage artistique à son image.

Philippe Destors, PEINTRE, © Julien Ernst

En cette fin mai, c’est un triste tableau que nous dresse Philippe Destors depuis sa chambre de l’hôpital Nord-Parisien de Sarcelles où le peintre ne va pas tarder à se faire opérer d’une hanche qui « grince » depuis quelques mois : « Avec la douleur, je n’ai plus trop envie de peindre en ce moment et pourtant c’est toute ma vie, glisse-t-il dépité. Mais, bon, ça va revenir, se reprend-t-il presque aussitôt. Il n’y a pas de raison… »

Et, de toute façon, le Stanois reconnu dans le milieu de la peinture comme un maître de l’exercice de la nature morte, capable de retranscrire avec un réalisme confondant une coupelle de cerises sur une étagère comme des oeufs oscillant sur une nappe blanche plissée, n’est pas du genre à se laisser abattre. Un peu à l’image de ses débuts dans la peinture, lui qui en « autodidacte assumé » a quitté les bancs de l’école en quatrième : « A l’époque, j’étais vendeur au rayon tennis et vélo de l’ancien BHV de Garges et je sillonnais les galeries pour présenter mes toiles.

Seulement, c’est tout juste si on daignait me répondre… Mais un jour, tout bascule, raconte-t – il. À Chantilly, je frappe à la porte d’une nouvelle galerie. Là, on me demande si je suis un professionnel ou un amateur. Je réponds que je suis pro, au bluff, et on m’invite à laisser quelques toiles que j’avais avec moi. À peine rentré à Stains, le téléphone sonne à la maison : la galerie avait déjà vendu trois de mes toiles ! Voilà, comment j’ai vraiment débuté dans ce métier, j’avais 27-28 ans. »

TRAIT D’UNION, UNE RENCONTRE ENTRE GÉNÉRATIONS

Quarante ans plus tard, Philippe Destors continue de peindre dans la salle à manger de son « home sweet home » du Centre-ville de Stains, vit encore de ses toiles, tout en étant toujours représenté par deux galeristes. Et, pour les Stanois, il affichera même, jusqu’en septembre prochain, cinq de ses petits formats à Stains dans le cadre de l’exposition collective Trait d’Union au sein de la Galerie Tâches d’Art de la rue Jean-Durand. « En fait, avec Philippe Destors, nous sommes voisins, sa maison est à quelques pas de la galerie, explique Konte Rast, l’artiste stanois qui est aussi le créateur de ce lieu de culture unique en Seine-Saint-Denis.

Alors, à force de discuter, je lui ai proposé de participer à cette expo collective qui réunit une quinzaine de Stanois. Philippe, qui n’a ni portable, et qui n’utilise pas les réseaux sociaux, étonne tous les jeunes par les conseils qu’il peut leur apporter aussi bien sur la technique, le matériel que sur la manière de mettre un pied dans la porte chez les galeristes. Il est vraiment dans le partage de sa passion et c’est vraiment le principe de cette expo Trait d’Union qui mélange plein de styles et de générations. »

ROGER FEDERER, CET AUTRE ARTISTE…

Après tout, le sexagénaire, issu d’une lignée de maraîchers stanois, est bien l’incarnation vivante d’une détermination qui bouscule des montagnes : « Je n’ai fait aucune école d’art, je ne connaissais personne dans ce milieu, mais j’aimais dessiner. Je ne faisais presque que ça à l’école. D’ailleurs, un de mes dessins est resté pendant plusieurs années accroché dans le bureau du directeur de l’école Joliot-Curie », se souvient-il avec fierté. «C’est la preuve que lorsqu’on fait les choses avec passion, il ne faut pas hésiter à s’accrocher. »

Voilà sans doute aussi pourquoi Philippe Destors va évidemment s’accrocher aussi pour récupérer de son opération de la hanche de façon à très vite reprendre la direction des courts de tennis de Stains. La petite balle jaune étant son autre passion déclarée : « L’ambiance de l’ES Stains, le jeu, c’est ma respiration lorsque j’arrête de peindre vers 16 heures, confie-t-il. Avant de partir rejoindre les copains pour jouer, je suis hyper-concentré sur mes tableaux, mais une fois que j’ai posé les pinceaux et pris mon sac de tennis, je rentre dans un autre univers. »

Où règne évidemment une touche d’esthétisme et de classicisme. Car, devinez qui est le joueur favori de Philippe Destors ? « Roger Federer, il est beau à voir jouer », répond l’artiste. Rien d’étonnant, l’Helvète, ex-numéro 1 mondial et vainqueur de 20 tournois du Grand Chelem entre 2003 et 2018, était aussi, raquette en main, une sorte de maître du style…

FRED LAURENT

INFOS :

Tâches d’art, 6, rue Jean-Durand.

Plus d’infos au 06.07.57.92.55

Horaires d’ouverture : lundi de 15h à 19h, jeudi de 15h à 19h ou sur RDV

© Julien Ernst

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