Reportage – Le village du Mesnil ou la dignité retrouvée
Le dispositif régional d’insertion à destination de la communauté rom vivant en bidonville a ouvert ses portes au début de l’été.
Le village accueille une trentaine de famille et offre un accompagnement individualisé. Le but : permettre enfin à ces populations de s’insérer dans la société.
C’est le début de la fin d’une longue errance pour ceux à qui l’on refuse jusqu’à leur propre existence. Persécutés depuis des siècles, bienvenus nulle part, présents partout. Eux, ce sont les Roms. Qu’ils viennent de Roumanie, de Hongrie ou de Bulgarie, qu’ils soient citoyens de l’Union européenne, peu importe : ils occupent la position la plus basse dans pratiquement tous les indicateurs socio économiques, y compris au niveau de l’instruction et de la progression scolaire, du chômage, de l’espérance de vie et de la mortalité infantile.
Une étude réalisée par la Banque Mondiale en 2014, sur les attitudes sociétales à leur encontre, révèle qu’ils occupent une position aussi basse que les pédophiles et les trafiquants de drogue dans certains États européens. Depuis leur arrivée en Europe au XIVe siècle (en provenance d’Inde), ils subissent exclusion et discrimination.
Le Conseil de l’Europe estimait leur nombre en 2012 entre 300 000 et 500 000 en France, dont une petite minorité, entre 15 000 et 20 000, principalement issue d’une immigration récente, vivant dans une très grande précarité, c’est à dire en bidonville.
À Stains, depuis plusieurs années, un camp installé à proximité du cimetière regroupe plusieurs centaines de personnes. Afin de mettre un terme définitif à ces occupations, les pouvoirs publics ont créé le projet du Mesnil, dispositif régional d’insertion par l’emploi et le logement pour des familles habitant en bidonville.
SAVOIR HABITER
Ouvert au début de l’été, le lieu accueille une trentaine de familles et a pour vocation d’accompagner une trentaine supplémentaires hors site dans toutes les démarches relatives à l’ouverture de droits administratifs : l’emploi et la formation, le logement, la scolarisation, la santé. « Nous voulons les impliquer le plus possible dans ces démarches, ne pas se substituer, car l’objectif c’est de les rendre autonomes », explique Mickaël Jacques, chef de projet à l’association Les Enfants du Canal, l’opérateur d’État sur le site.
Fruit d’un partenariat étroit entre l’État et les collectivités, ce projet représente l’une des déclinaisons opérationnelles des orientations des circulaires interministérielles de 2012 et 2018 et du plan d’action régional de résorption des bidonvilles et des campements illicites.
À ce titre, il est financé par l’État (3,4 millions d’euros), le Fonds social européen (800 000 euros), la région Île-de-France (200 000 euros) et la ville de Stains qui met à disposition le terrain pour une convention d’occupation de dix ans.
Parmi les 57 familles accompagnées, le projet a déjà permis à plusieurs dizaines de personnes de décrocher un contrat de travail, à 35 autres de suivre une formation vers l’emploi et à 18 familles d’être relogées dans un logement social. Par ailleurs, l’équipe de salariés pluridisciplinaires de l’association qui travaillent à plein temps au village insistent sur leur rôle d’éducateur : « certaines familles n’ont jamais rien connu d’autre que le bidonville. Nous avons donc prévu un volet « Savoir-habiter » afin de les sensibiliser à la vie en collectivité. »
PRINCIPE DE RÉCIPROCITÉ
Un alliage de bois et métal de couleur vive, une construction sur pilotis facilement démontable alignée le long d’une jolie allée pavée. Les maisonnettes du village du Mesnil ont de l’allure ! L’intérieur est équipé d’une kitchenette, d’un climatiseur et de mobilier de base (table, lit, etc…). « Ce n’est pas parce que c’est temporaire que cela ne doit pas être beau ! », lance Mickaël Jacques.
Lors de notre visite, les cris de joie des enfants sous l’oeil vigilant de parents, installés en terrasse dans une atmosphère de fin d’été, conféraient au lieu une douce quiétude. Au delà de l’accompagnement et du suivi administratif, c’est toute une vie en communauté que l’association essaie d’instituer dans une approche de développement local en lien avec le tissu associatif.
Fête de bienvenue, cours de français, activités de jardinage, anniversaires : tout est bon pour renforcer les liens, créer de la solidarité et donner du sens à cet hébergement collectif. Ainsi, toutes les deux semaines, les résidents se retrouvent autour de l’arbre à palabre, afin d’évoquer ensemble les problèmes du quotidien.
Mais cet environnement positif et inclusif ne se fait pas sans contrepartie : un engagement mutuel de la part de l’association et des bénéficiaires, matérialisé par un contrat d’engagement signé par les deux parties, symbolise le principe de réciprocité à la base de la démarche des Enfants du Canal. Le but étant de responsabiliser les résidents et de leur offrir en même temps une garantie concernant le suivi de leur démarche, pour une durée moyenne de 12 mois sur le site.
Enfin, ce projet n’aurait pas été possible sans un soutien sans faille des services de la ville, la Régie de quartier et d’autres associations, qui oeuvrent de concert afin de rendre toute leur dignité à ceux qui en ont déjà été tellement privés.
TÉMOIGNAGE DE RAMONA KOCSIS, RÉSIDENTE AU VILLAGE DU MESNIL
Sa petite dernière est née il y a tout juste un mois… Peu de temps après son arrivée au village, qu’elle décrit comme une « renaissance ».
Rencontre avec Ramona Kocsis, résidente du village du Mesnil.
« Je suis née il y a 23 ans en Roumanie, dans le petit village de Fatira à côté de la frontière hongroise. À l’époque, je vivais avec mon père
et la vie n’était pas facile. J’ai arrêté l’école à 16 ans et je n’avais pas d’autre choix que de chercher un travail. Mais c’est très difficile de
trouver un emploi stable en Roumanie où les salaires sont très bas. J’ai donc décidé de quitter mon pays, à l’âge de 18 ans. La plupart de mes camarades ont également fait le choix de partir pour avoir une vie meilleure car chez nous c’est très compliqué, il n’y a pas de sécurité sociale ou d’hôpitaux comme ici. Les parents de mon mari vivaient en France et ils ont dit qu’ils pouvaient nous aider à trouver du travail.
Cela fait 5 ans que je vis ici, dans la région, toujours en « platz » (bidonville, ndlr) à Stains, Pierrefitte, Aubervilliers… Les conditions sont très dures, il y a beaucoup de violence, c’est très bruyant et mes enfants n’arrivaient pas à dormir. Ce n’était pas un bon environnement pour eux. Quand nous appelions le 115, ils nous orientaient toujours vers des hébergements éloignés de tout.
Je suis vraiment soulagée d’être ici, au village. Les enfants peuvent jouer, nous avons l’eau courante, des machines pour laver les vêtements… Aujourd’hui, j’ai confiance en l’avenir, je veux que mes enfants étudient ici, je veux leur offrir une vie meilleure. ».
• MEHDI BOUDARENE
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